La genèse du Monastère

Presque 7 ans d’existence, une centaine de représentations et encore bien plus d’artistes, des milliers de spectateurs.trice.s ainsi qu’une mission révélatrice depuis ses débuts;  présenter les artistes de cirque avec leurs œuvres à l’état pur tout en offrant au public de nouvelles façons conviviales de découvrir et de s’approprier le cirque contemporain. Voilà comment nous pourrions résumer Le Monastère. Cependant, il en faudrait un peu plus pour conter son histoire et la rencontre déterminante de ses deux cofondateurs.trice.s, la découverte du Centre St Jax et la concrétisation d’une vision de cabaret de cirque bien précise. Il était une fois…

Rosalie & Guillaume, d’artistes à fondateur.trice.s

Avant de créer Le Monastère, iels ont chacun.e découvert l’univers du cirque à leurs façons. Depuis son enfance, Rosalie souhaitait devenir artiste de cirque. Vivant dans un petit village de campagne où l’offre n’était pas des plus diversifiées, elle a débuté avec la danse qu’elle a pu développer en double cursus d’étude, en parallèle avec les sciences. De son côté, Guillaume n’a pas eu de carrière prédestinée mais plutôt un coup de foudre tardif. Coiffeur de profession, il réalisait des perruques pour le Cirque du Soleil. Un beau jour, en voyant un artiste s’échauffer dans les coulisses du Centre Bell, l’épiphanie a eu lieu. S’enchaîne alors une audition où il se découvre étonnamment flexible pour son âge et une formation intensive en accéléré à l’école préparatoire de cirque de Verdun. C’est dans ces studios que les futur.e.s ami.e.s de 21 ans se rencontrent et se forment aux arts du cirque.

Rosalie se spécialise ensuite avec la discipline du double cerceau et développe un duo qui l’amènera à faire sa carrière en Amérique latine puis en Europe et plus précisément en Allemagne. Là, elle participe à plusieurs cabarets tout en découvrant également le monde de la production. Guillaume, spécialisé dans le duo trapèze, débute quant à lui aux États-Unis avant de s’envoler vers l’Europe où il travaille dans différentes compagnies de cirque en étoffant ses compétences via des formations en parallèle.

un carnet prometteur

Durant ces nombreuses années, les jeunes artistes gardent contact et se recroisent à Montréal de temps à autre. Jusqu’au fameux soir où iels assistent ensemble à un cabaret d’humour. En sortant de la salle, iels échangent alors sur l’absence de formule similaire pour le cirque à Montréal. En passant devant une église abandonnée du quartier Villeray, iels projettent leurs envies dans ces murs et prononcent pour la première fois le nom “Le Monastère”… Galvanisé.e.s par cette envie commune, iels échangent et discutent toute la nuit en posant leurs idées dans un cahier de notes passant par là, accompagné.e.s de Caroline Thibault, une amie qui collabore encore au sein du Monastère.

Forts des conversations exaltées de la veille, dès le lendemain, le duo se rend à l’Hôtel de  Ville de Montréal afin d’en savoir plus sur le développement d’un nouveau concept dans une ancienne église. Iels entendent alors des termes jusqu’alors inconnus comme “plan d’affaires”. Les choses sérieuses commencent.

Guillaume et Rosa au travail
Le fameux carnet

Une vision qui se concrétise

Après avoir passé plusieurs années à parcourir le monde et les cabarets, les deux acolytes avaient décelé des lacunes dans leur ville de cœur. En effet, il manquait cruellement d’une plateforme de diffusion pour des artistes indépendant.e.s, trop souvent anonymisé.e.s dans les grandes compagnies. Le comble étant que Montréal se présente comme la capitale des arts du cirque alors que le grand public ne connaît pas tant cette discipline, en consomme peu et a accès à une offre peu diversifiée. 

Iels rêvent d’un lieu rassembleur d’artistes pouvant exprimer leur art, brut, sans modification externe et surtout permettant au public de découvrir de façon accessible le cirque sous diverses formes, dans une ambiance chaleureuse. L’intention était alors de positionner l’artiste au cœur du numéro, en tant qu’auteur.trice d’une œuvre et non pas seulement comme un.e interprète. 

L’envie de Rosalie et de Guillaume était de pouvoir accueillir l’artiste et sa création tel.le.s quel.le.s, en lui donnant carte blanche et en respectant chacun de ses choix concernant la musique, les costumes, les mouvements ou la lumière. L’artiste a ainsi toute la place pour nous transporter dans son univers propre et générer une valeur unique. Le rôle de la direction artistique est celui d’un.e curateur.trice d’art qui sélectionne les œuvres exposées et/ou les artistes présenté.e.s. En effet, la direction artistique recherche une diversité dans les disciplines et les genres qui interpelleront le.la spectateur.trice. Un ordre de présentation des pièces est ensuite élaboré pour que celles-ci soient mises en lumière individuellement, pour assurer un tempo optimal et transporter avec fluidité le public d’une performance à l’autre. La direction artistique collabore aussi aux interventions du.de la maître.sse de cérémonie pour rendre hommage aux artistes. 

Et cette vision, iels voulaient qu’elle ait lieu dans une église! Initialement, un monastère est un lieu de vie des moines. Certains d’entre eux mettent en place un travail collaboratif par l’exploitation et la vente de produits. L’idée était donc similaire mais à la place des moines, nous retrouvons des artistes! 

Les balbutiements du Monastère

La problématique a donc été de trouver un endroit pour mettre en place ces cabarets de cirque. Le premier lieu a été le club inclusif Unity, situé au cœur du Village, en 2017. En parallèle, le duo a eu l’opportunité de nouer un partenariat de deux ans avec le Ranch Gagnon situé en Beauce, région d’origine de Guillaume. Défricheur.e.s de lieu atypique, iels transformaient alors le ranch en une sorte de petit chapiteau de cirque intérieur. Ensuite, le Théâtre Plaza, implanté dans le quartier de La Petite Patrie. Celui-ci était déjà adapté à ce type de représentation. Effectivement, la salle de spectacle incluait un point d’ancrage, développé par les Productions Carmagnole lors de leurs cabarets sur lesquels Rosalie avait alors travaillé. L’optimisation des salles était le point d’orgue de l’organisation car l’équipe du Monastère devait adapter chaque environnement à la pratique du cirque et ses contraintes techniques. 

Mais tout vient à point à qui sait attendre, car l’église anglicane du Centre St Jax ouvrit ses portes au Monastère en juillet 2018. Datant du 19ème siècle, l’installation a été longue car le bâtiment ne répondait pas aux besoins logistiques des cabarets de cirque. Des travaux d’adaptation ont été nécessaires afin de créer une nouvelle structure s’ancrant dans le plafond avec une poutre. L’acclimatation n’était pas que matérielle. En effet, en posant ses quartiers au 1439 rue Sainte-Catherine Ouest, l’équipe a appris à connaître et côtoyer ses nouveaux.elles locataires dont Graham Singh, Directeur du Centre St Jax. De nombreux échanges ont eu lieu à ce moment-là afin de nouer une relation basée sur la coopération, la confiance et le respect mutuel. L’église étant un espace à vocation culturelle intégrant plusieurs organismes communautaires, il était capital de ne pas heurter la sensibilité de chacun.e. Quelques mois plus tard, en février 2019, Le Monastère était fin prêt à accueillir le public dans ce nouveau lieu. Une belle surprise s’ensuivit alors: les maîtres de cérémonie du premier cabaret dans ces murs ont été… des prêtres!

Le savant équilibre de la création

D’années en années, la formule des cabarets de cirque s’affine tout en conservant son essence. Plusieurs jours de création sont nécessaires à l’équipe de direction artistique, composée de Guillaume et d’Annie-Kim, afin de mettre sur pied chaque spectacle et les différencier. En effet, chacun d’entre eux possède une entité propre et une thématique précise. Par exemple, en juillet a lieu le Cabaret du Jugement Dernier, une compétition amicale accueillant un jury d’amoureux.ses de cirque reconnu.e.s qui décerne le Calice d’Or, d’Argent ou de Bronze aux artistes ayant le meilleur équilibre entre présence scénique, créativité et niveau technique. En août, Le Monastère se pare des couleurs de l’arc-en-ciel afin de célébrer la diversité pour son édition de la Fierté avec des artistes issu.e.s de la communauté 2SLGBTQI+, dont les valeurs sont partagées. 

D’autres critères rentrent en compte afin de développer un spectacle. Effectivement, une attention particulière est apportée au choix des disciplines afin de pouvoir obtenir un panel large et varié, représentatif de la richesse du cirque. L’inclusivité est une valeur fondamentale pour Le Monastère, elle est donc représentée et mise en valeur via la diversité des artistes.

L’évolution de l’équipe derrière ces beaux projets

En plus des quelques années non rémunérées des cofondateur.rice.s, plusieurs personnes ont apporté leur précieuse aide sur leur temps libre. Caroline, acolyte des premières réflexions et depuis toujours photographe officielle du Monastère, a participé à l’organisation des premiers événements en 2017. Annie-Kim Déry, codirectrice artistique, s’est jointe au mouvement dès les premiers mois et de façon bénévole pendant plusieurs années. Puis, Manon Fath, un an après la fondation, est venue développer le marketing et les communications afin de faire connaître Le Monastère, ses activités et missions. Première employée avec un salaire, elle a aussi donné maintes heures en bénévolat. Plusieurs autres personnes ont apporté leur soutien au fil du temps de façon bénévole ou rémunérée: membres du CA, ami.e.s, expert.e.s… Il serait dur de pouvoir tous.tes les nommer et les remercier à leur juste valeur. Quatre ans et demi après la fondation, le noyau grandit avec Alizé Honen-Delmar pour le financement privé. Depuis les 2 dernières années, l’équipe a plus que doublé en termes d’effectif et accueille près d’une quinzaine de personnes

Encore aujourd’hui, les bénévoles sont les bienvenu.e.s pour l’accueil ainsi que des expertises de toutes sortes. Pour donner au suivant, Le Monastère offre depuis toujours des dons de billets de ses cabarets à des organismes communautaires, autant pour leur clientèle que leurs précieux.euses bénévoles. 

et pour demain?

Il y a quelques années, les cofondateur.trice.s remettent la main sur le carnet de notes renfermant leurs souhaits initiaux. La vision globale était déjà présente: une expression libre de la vision artistique pour les créateur.trice.s, une formule accessible et chaleureuse pour le public… 

Pour continuer à respecter ces envies, l’équipe aimerait pérenniser la valorisation des artistes locaux.les et l’écosystème culturel, en proposant des cabarets de cirque tout au long de l’année. Sur le même modèle que les cabarets européens, un spectacle aurait lieu durant trois mois et permettrait d’élargir l’audience en touchant également les touristes de passage. L’objectif? Devenir un lieu culturel reconnu de la ville, immersif et intimiste. La volonté est de proposer une formule facile d’accès pour toutes les bourses. Cela aiderait la découverte du cirque contemporain en conservant les codes traditionnels festifs mais également en apportant une touche contemporaine montréalaise.

La suite reste à écrire...

15 mai 2023

Crédits photos: Caroline Thibault, Michel Berdnikoff, Manon Fath

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